Photo Michel HACHET - Oct. 1970Quelques traditions fort anciennes ont traversé les siècles. R. Royer, instituteur à Gondreville, qui nous a laissé une "Histoire de Gondreville" écrite en Août 1930, très documentée, et qui fait référence en matière d'histoire locale, nous rappelle celle de la fontaine des Trois Saints : " A la fontaine des Trois Saints, les parents venaient plonger les langes de leurs enfants malades en vue d'obtenir leur guérison. Les bustes mutilés des trois saints: ANTOINE, FIACRE et SÉBASTIEN sont placés dans une niche pratiquée dans le mur du jardin de Monsieur Daniel (rue des Trois Saints)." (Royer, H de G, p. 32)

De nos jours, si la source existe toujours dans les soubassements de la maison GÉMEAU, son accès n'est plus libre, suite à un accord avec la municipalité. Le trop-plein s'écoule encore 50 mètres plus bas, dans l'auge, déplacée, à l'entrée de la ruelle qui longe le ruisseau. Les statues mutilées, disparues depuis longtemps ont également perdu leur niche, encore en place au début des années 80, au profit d'un muret de clôture moderne.

Toutefois, les pierres de taille, récupérées, attendent d'être remontées en un lieu visible de tous. Ce dont l'A.G.R.E.P.E. se préoccupe actuellement.

ANTOINE DE PADOUE

Antoine de Padoue. Cosme Tura, 1475. Paris. Louvre.Lat. Antonius Paduanus ital. Antonio di Padova ; esp. Antonio de Padua angl. Anthony of Padua all. Antonius von Padua. Chanoine. Franciscain. 1195-1231. Canonisé en 1232. Fête le 13 juin.


VIE ET LÉGENDE

Né à Lisbonne dans une famille noble en 1195, le futur Antoine (il s'appelait d'abord Fernand) fait ses études à Coïmbre où il devient chanoine régulier. Après l'échec d'un voyage missionnaire au Maroc, il rejoint saint François et ses compagnons, vit un an dans une grotte, devient Frère mineur et enseigne à Bologne. Ayant prêché à la place d'un frère souffrant, il montre dans cet exercice un talent incomparable et la prédication devient la grande affaire des dix dernières années de sa vie. Il prêche en Italie, en France, en Espagne, attirant partout des foules considérables. Revenu à Assise pour assister au concile général de l'ordre puis à la translation des reliques de saint François, il passe les deux dernières années de sa vie à Padoue, où il meurt en 1231. Il est canonisé dès l'année suivante.
Antoine de Padoue est avant tout un prédicateur, le plus grand que le Moyen Âge ait connu, et figure au nombre des plus grands orateurs de tous les temps. Dès son arrivée dans une ville, les activités cessent, les boutiques ferment, et les auditeurs se pressent massivement pour l'écouter. Il prêche la pauvreté et la pénitence, réconforte les humbles, vitupère les riches et les mauvais clercs, appelle à la vie évangélique. La légende raconte même qu'il prêcha un jour aux poissons, qui se pressèrent pour l'entendre ; il leur parla du Créateur et leur donna la bénédiction. Cette histoire est calquée sur celle de saint François prêchant aux oiseaux.
Pendant deux siècles en effet, le culte de saint Antoine de Padoue reste dans l'ombre de celui du poverello d'Assise, le saint le plus proche du Christ. A partir du XVème, et surtout du XVIème siècle, le culte de saint Antoine, jusque-là localisé à Padoue, prend un essor extraordinaire. Le Portugal en fait son saint national et l'exporte dans toutes les régions du globe. Marins, naufragés et prisonniers le prennent comme saint patron. Mais, surtout, les classes populaires en font dans toute la Chrétienté leur saint de prédilection. A partir du XVIIème siècle, on l'invoque pour retrouver les objets perdus, puis pour recouvrer la santé, enfin pour exaucer n'importe quel voeu. Il est l'intercesseur par excellence. Etrange destin pour celui qui ne se voulait qu'un modeste compagnon de François d'Assise. A l'époque moderne et contemporaine, aucun saint, aucun apôtre même n'est plus populaire.


REPRÉSENTATIONS

Les figurations médiévales de saint Antoine de Padoue ne sont pas très nombreuses (vitrail, basilique de Saint-François à Assise, XIVème, siècle); mais à partir du XVIème siècle aucun saint n'a été aussi souvent représenté. Toute église un peu importante lui consacre une chapelle. Il est chétif comme saint François, vêtu de la robe franciscaine serrée par la cordelière à trois noeuds. Les images sont extrêmement variées, les épisodes de sa légende s'étant multipliés au fil des siècles (Jacques Callot, gravure, XVIlème siècle). On le voit prêcher aux foules, prêcher aux poissons, débattre en compagnie de saint François ou d'autres franciscains. On le voit accomplir des miracles, guérir des malades, remettre en place la jambe qu'un jeune homme s'était coupée par pénitence, faire

s'agenouiller une mule devant l'Eucharistie afin de convaincre un Juif qui ne croyait pas à la présence réelle. On le voit surtout dans une scène de vision où la Vierge et l'Enfant Jésus lui apparaissent. Cet Enfant Jésus, assis ou debout sur un livre, est ainsi devenu son attribut privilégié (Murillo, 1668, musée de Séville).
Parfois l'iconographie d'Antoine de Padoue se confond avec celle d'Antoine le Grand, et même avec celle de François d'Assise. Attributs : Robe franciscaine. Enfant Jésus. Mule. Lis. Poissons. Coeur enflammé (emprunté à saint Augustin).


Antoine de Padoue ou
ANTOINE LE GRAND


La tentation de saint Antoine. Bosch, triptyque, 1505-1506. Lisbonne, musée national d'art antique.Lat. Antonius ; ital. et esp. Antonio ; angl. Anthony ; ail. Antonius. Fondateur du mouvement cénobitique. V. 251-356. Fête le 17 janvier.

VIE ET LÉGENDE

Sa vie, contée par saint Athanase et par saint Jérôme, a été popularisée par la Légende dorée. Né vers le milieu du IIIème siècle en Haute-Egypte, il se retire de bonne heure au désert, où le diable le tente à plusieurs reprises et sous différentes formes. Antoine résiste. Puis il accueille des disciples venus le rejoindre et organise au désert la vie cénobitique. Mais le goût de la solitude le reprend ; il s'enfonce dans le désert en direction de la mer Rouge et vit solitaire jusqu'à l'âge de cent ans passés. Vers la fin de sa vie, il rend visite à saint Paul Ermite, doyen des anachorètes de Thébaïde, nourri chaque jour par un corbeau qui, lors de la visite d'Antoine, apporte miraculeusement deux pains au lieu d'un. Plus tard, ayant appris la mort de Paul, Antoine revient l'ensevelir avec l'aide de deux lions.
Saint Antoine a toujours été un saint admiré (sans toutefois avoir jamais été aussi populaire que son homonyme saint Antoine de Padoue, compagnon de saint François d'Assise). Ses reliques, d'abord transférées du désert à Constantinople, passent pour être arrivées vers le milieu du XIème siècle en Dauphiné, dans une abbaye devenue célèbre sous le nom de Saint-Antoine-en-Viennois. L'ordre des Antonins, spécialisé dans l'accueil fait aux malades atteints de maladies contagieuses, notamment le « feu de saint Antoine », essaima à partir de cette abbaye et contribua à répandre le culte et le prestige du saint anachorète - devenu au fil des siècles un saint guérisseur - dans toute la Chrétienté. On invoquait Antoine contre le « mal des Ardents » (sorte d'épilepsie engendrée par l'ergot du seigle), la peste, la lèpre, la gale, les maladies vénériennes. Son pouvoir guérisseur passait pour toucher aussi les animaux, notamment les porcs et les chevaux.

REPRÉSENTATIONS

L'iconographie de saint Antoine ermite est foisonnante. I1 est représenté en général âgé, vêtu de l'habit des antonins (robe de bure avec capuchon), portant le tau (bâton se terminant par un T) et parfois une clochette. Il est très souvent accompagné d'un cochon, son attribut privilégié, laissé par un de ses compagnons au désert (à l'origine, il s'agissait d'un sanglier diabolique qu'Antoine aurait domestiqué et qui serait devenu son plus fidèle compagnon).
Les scènes de sa vie qui ont le plus souvent retenu les artistes sont ses tentations au désert : les attaques du diable et des démons, les tentations charnelles et les visions de femmes dénudées, la visite du Diable déguisé en pèlerin (Bosch, La Tentation de saint Antoine, XVIème siècle, Lisbonne, musée national d'art antique), et la visite qu'il fit à saint Paul Ermite avant de l'ensevelir (Grünewald,

volet du retable d'Issenheim, 1511-1516, musée Unterlinden, Colmar). Ses miracles sont aussi souvent représentés.
Attributs: Clochette. Cochon. Feu de Saint-Antoine. Tau.

 


FIACRE


Fiacre. XVIème siècle. Verneuil -sur-Avre. Eglise Notre-Dame.Lat. Fiacrius ; ital. Fiacrio ; fr. (var.) Fèfre, Fèvre ; ail. Fiakus. Abbé. Mort en 670. Fête le 30 août.

VIE ET LÉGENDE

D'origine irlandaise, saint Fiacre a été extrêmement populaire. Une légende lui fait donner par l'évêque saint Faron un terrain à Breuil, près de Meaux, afin de fonder un monastère. « Tu auras tout le terrain que tu pourras entourer d'un fossé en une journée » lui aurait dit Faron. L'ermite trace la limite avec son bâton et le fossé se creuse miraculeusement. I1 plante dans la clairière qu'il a défrichée un jardin, dont les légumes nourrissent les pèlerins.
C'est pourquoi il est le patron des jardiniers. I1 a été aussi le patron des cochers de fiacre ; l'entrepreneur des coches à cinq sols de l'heure habitait l'hôtel Saint-Fiacre, rue Saint-Antoine à Paris, et avait pour enseigne une image de saint Fiacre.

REPRÉSENTATIONS

Il est vêtu en paysan ou en ermite, avec une bêche. Il tient d'une main le livre ouvert des Évangiles, et de l'autre une bêche (statue en pierre, XVIIème siècle, église Notre-Dame de Verneuil-sur-Avre, Eure). Un vitrail (église Saint-Maclou à Troyes, XVIlème siècle) montre Fiacre reçu par l'évêque saint Faron à Meaux, puis bêchant la terre. II importe de ne pas confondre saint Fiacre armé de sa bêche avec le Christ apparaissant en jardinier après la Résurrection à Marie Madeleine.
Attributs - Bêche. Livre.

 

SÉBASTIEN

Sébastien. Mantegna, détail, 1840. Paris, Louvre.Lat. Sebastianus ital. Sebastiano, Bastiano fr. (var.) Bastien esp. Sebàstian ; angl. Sebàstian ; ail. Sebastien, Bastian. Martyr. Mort en 288 (?). Fête le 20 janvier en Occident ; le 18 décembre en Orient.

VIE ET LÉGENDE

Né probablement à Milan, Sébastien est martyrisé à Rome, et enseveli dans une catacombe sur la Via Appia près de la basilique qui porte son nom. A partir de ces données, la légende exposée dans les Actes de Sébastien (Vème siècle) a largement brodé. Sébastien est un soldat enrôlé à Rome vers 283. Dioclétien le nomme commandant de la garde prétorienne, sans savoir que Sébastien est chrétien. Sébastien soutient le courage des confesseurs de la foi Marc et Marcellien en prison, ainsi que d'autres prisonniers persécutés pour leur foi. Il ne cache pas son activité de prosélyte : arrêté, il est condamné à mourir percé de flèches par deux soldats. Irène, veuve du martyr Castulus, relève Sébastien encore vivant et soigne ses blessures. Guéri, il va défier l'empereur qui le fait lapider, et fait jeter son corps dans l'égoût de Rome, le Cloaca Maxima. Le saint apparait en songe à une matrone romaine chrétienne, et lui indique où trouver sa dépouille. Elle obéit, et ensevelit Sébastien dans le cimetière des catacombes.
Sébastien est, avec Martin et Maurice, un saint militaire, et son culte a eu une immense diffusion au Moyen Âge. On lui prête le pouvoir d'arrêter les épidémies de peste. Ce caractère a été rapproché d'une croyance antique, qui assimilait les épidémies de peste à des flèches décrochées par la divinité: dans l'Iliade, Apollon déchaîne le fléau ; dans la Bible, en forçant quelque peu le sens des textes, cela est donné à Yahweh. L'interprétation présentée par H. Delehaye est plus vraisemblable : il relève que Paul Diacre attribue à l'intercession de saint Sébastien la fin de l'épidémie qui a désolé Rome en 680, et constate d'autre part que Sébastien n'est pas considéré comme le patron des pestiférés avant le VIIème, siècle. On est donc tenté de lier ces deux circonstances.
Saint Sébastien est le troisième patron de Rome, après Pierre et Paul. II est aussi le patron des armuriers. On l'invoque contre la peste et contre l'épilepsie.


REPRÉSENTATIONS

Deux types se succèdent chronologiquement. La plus ancienne représentation de Sébastien est une fresque du Vème siècle (Crypte de Sainte-Cécile, catacombe de Calliste à Rome) ; il figure parmi plusieurs personnages en toge. Au VIIème siècle, il est revêtu d'une armure d'or sur une tunique brodée, et tient à la main une couronne gemmée (mosaïque de l'église Saint-Pierre-aux-Liens à Rome) il est âgé et barbu. Ce type perdure jusqu'au XVème siècle. Il est vêtu à l'antique, puis en chevalier ou en personnage de roman courtois (Benozzo Gozzoli, Scènes de la vie de saint Augustin, 1465, église San Agostino à San Gimignano) ; Sébastien y abrite les habitants de la ville sous son manteau déployé, soutenu par des anges, contre les flèches de la peste lancées du haut du ciel par Jésus. Le rapprochement s'impose ici avec la Vierge de Miséricorde. Sébastien apparaît aussi en soldat romain d'âge mûr, aux cheveux et à la barbe blancs ; il porte une cuirasse et est armé d'un pilum, d'une épée et d'un bouclier (fresque attribuée à Pietro Cavallini, XIIIème siècle, abside de l'église San Giorgio in Velabre à Rome).
Dès le XIIIème siècle, apparaît un second type juvénile, qui triomphe au XVème siècle. En Occident, les artistes se plaisent à détailler ce beau jeune homme nu criblé de flèches ; Sébastien est attaché à une colonne (Rogier Jan der Weyden, Polyptyque du Jugement dernier, 1445-1450, hospice de Beaune).
A la Renaissance italienne, de nombreux artistes traitent ce thème, Botticelli 1473, Berlin-Dahiem, Gemâldegalerie ; Mantegna, 1481, Paris, Louvre). Une variante est offerte par Piero della Francesca Sébastien nu, percé de flèches, n'est pas attaché à un pieu ou à un arbre mais a les mains liées derrière le dos (Polyptyque de la Miséricorde, 1445-1448, pinacothèque de Borgo San Sepolero). Parfois Irène, en habit de religieuse bénédictine, ôte les flèches du corps de Sébastien (La Tour, .649, Berlin-Dahlem, Gemâldegalerie et Paris, Louvre).
L'école espagnole présente Sébastien toujours vêtu, non en centurion mais en damoiseau chasseur, avec arc et flèches.
Attributs - Flèches. Arc.

La niche des Trois Saints

1°) Les écrits

1843 : "Le Département de la Meurthe", Henri LEPAGE : "Il y a dans le village, une fontaine dite des TROIS SAINTS, à cause de trois statues mutilées qui s'y trouvent ; cette fontaine est fréquentée par les personnes qui ont des enfants malades."


1871: Répertoire archéologique de l'arrondissement de Toul, par E. OLRY

...Quelques débris de vitraux peints rapportés de l'ancienne fontaine des Trois Saints (Saint Sébastien, Saint Fiacre, Saint Antoine), dans la ruelle de ce nom, but d'un pèlerinage fréquenté pour les enfants malades. Les anciennes statues mutilées des saints que l'on y invoque sont conservées tout près de la fontaine, dans la rue dite aussi des Trois Saints, sous une arcade faisant partie du mur de clôture d'un jardin.

1930 : Histoire de Gondreville par R. ROYER

...A la fontaine des trois saints, les parents venaient plonger les langes de leurs enfants malades en vue d'obtenir leur guérison. Les bustes des trois saints : Antoine, Fiacre, Sébastien sont placés dans une niche pratiquée dans le mur de la maison Daniel (rue des trois saints). En 1867, la fontaine avait subi une restauration. (HdG p. 32 ROYER).
...Des vitraux peints ayant appartenus à la "Fontaine des Trois saints" (d'après le répertoire archéologique d'Olry ci-dessus) sont placés dans plusieurs fenêtres.. (de l'église). (HDG p.30 ROYER)

19 Juin 1793 : R. ROYER rapporte que les délibérations du Conseil Municipal font état de la décision de l'enlèvement des vitres "dans lesquelles se trouvent des armes de ci-devant seigneurs et dont il est très urgent de supprimer pour la sûreté et la tranquillité des citoyens". (HdG p.30 ROYER)

1970: Notice de repérage (Ministère des Affaires Culturelles) par M. HACHET

La fontaine des Trois Saints proprement dite est située à Gondreville rue des Trois Saints, sous une maison ; elle est protégée par une porte de fer, fermée à clé. (Dans un passé récent, elle était accessible au public en permanence, mais un accord passé entre la municipalité de Gondreville et le propriétaire en a autorisé la fermeture). La porte débouche sur l'étroit sentier des trois saints, qui est perpendiculaire à la rue du même nom. La fontaine se présente sous l'aspect d'une vasque de pierre.
Dans la rue proprement dite, en face de la maison, existe un jardin clos d'un mur percé d'une porte et d'une niche. Dimensions de la porte : 1,85 m (sous voûte) de haut ; 0,88 m (d'ouverture) de large.
Dimensions de la niche : 1,45 m (sous voûte) de haut ; 1,30 m (d'ouverture) de large.

Dans la niche subsistent trois socles de pierre qui supportaient autrefois trois statues, actuellement disparues. J'ai le souvenir précis d'avoir encore vu il a une dizaine d'années les fragments informes desdites statues.

J'ai recueilli sur cette fontaine une tradition orale intéressante. Plusieurs personnes m'ont rapporté l'utilisation de cette fontaine à des fins de diagnostic, voire de pronostic, des maladies humaines. La technique de consultation consistait à jeter sur l'eau de la vasque la chemise du malade et à observer sa submersion ; la partie du vêtement qui s'enfonçait d'abord était réputée correspondre à la région malade. Et on pensait que si toute la chemise disparaissait dans l'eau, l'issue du mal était fatale.

1985: "L'Histoire de Gondreville" de Royer (1930) réactualisée par Charles TOUSSAINT

Quant à la source elle-même, dont on dit que les eaux sont toujours efficaces pour les bobos des yeux des enfants, il faut la chercher dans le soubassement de la maison GEMEAU.

2°) L'histoire, le folklore

L'abbé Jacques CHOUX, éminent historien, a étudié le culte des eaux et ses survivances dans le christianisme, et ce texte nous dit combien ces croyances entretenues par nos ancêtres viennent du fond des âges. Et, ajouterais-je, combien il serait légitime, de conserver cette niche et de la restaurer, puisqu'elle abritait les trois saints vénérés des anciens gondrevillois.

Le culte des eaux dans la cité des Leuques et ses survivances dans le christianisme

par l'abbé Jacques Choux - 1949 -

Pour les Gaulois, (c'est-à-dire l'élément indigène et stable de la population de la Gaule, qui occupait le pays avant l'arrivée des Romains et qui constituera encore la masse du peuple après les invasions barbares), les sources, les rivières, les lacs, servaient de résidences aux divinités, ou peut-être plus exactement, l'eau elle-même était divine, et digne de recevoir un culte religieux. Mais comme ce culte devait bien se localiser, ce sont des sources, des lacs et certains cours d'eau qui en étaient plus particulièrement l'objet.

Ce culte fut très répandu, et il est extrêmement ancien. On a été jusqu'à dire que : "...Les pratiques superstitieuses qui en constituent le fond étaient déjà des survivances au temps des druides."(Bertrand, Nos origines: la religion des Gaulois... Paris (1896)) Il y a peut-être beaucoup de vrai dans cette remarque.

Nous limitons notre étude du culte des eaux dans l'ancienne cité des Leuques à l'étendue géographique du diocèse de Toul. Trois disciplines nous fournissent les éléments de cette étude l'archéologie, la toponymie et le folklore.

Le culte des eaux a surtout été un culte de plein air. Nous connaissons peu de temples de sources, et il ne semble pas qu'ils aient jamais été nombreux. A Vittel, on a mis à jour à côté de la source salée aujourd'hui, source Hépar, le monument consacré à sa divinité protectrice. C'était un petit temple carré avec péristyle ou simple colonnade sur le devant.

D'autres ruines antiques indéterminées ont été signalées auprès de la fontaine Saint Jean à Martincourt, et de la fontaine du Diable, à La Neuville-sur-Ornain. Les représentations de la divinité sont rares aussi. La fontaine de Sainte Valdrée en a fourni quatre : deux de Mercure, une d'Apollon, et une d'Hygie. A Graux, nous avons le buste de Sirona, celui d'Apollon qui l'accompagnait a disparu.

Mercure, Apollon, Neptune, Hygie, sont des divinités du Panthéon gréco-romain assimilées par les vainqueurs aux dieux indigènes de la Gaule. Assimilation d'ailleurs assez peu rigoureuse, car le Mercure gaulois diffère sensiblement du Mercure classique, comme Apollon ou Neptune honorés sur les bords de la Meurthe ou de la Moselle diffèrent de leurs homonymes méditerranéens.

Une des principales pratiques cultuelles consistait en dépôt auprès ou dans la source sacrée, d'offrandes offertes en hommage à sa divinité. Ici, il y a lieu de distinguer la simple offrande de l'ex-voto. L'offrande est un don fait à la divinité d'un objet ayant quelque valeur, valeur marchande, ou plus souvent, valeur de symbole. C'est la forme la plus élémentaire du sacrifice. L'ex-voto est encore une offrande, mais comme le mot l'indique, il est la conséquence d'un voeu et le témoignage que le suppliant a été exaucé. Il diffère donc de l'offrande sacrifice en ce sens que, s'il est d'objet profane devenu chose sainte, il reste pourtant du domaine public, puisqu'il doit témoigner aux hommes de l'obtention de quelque faveur.

Une des formes primitives de l'offrande fut sans doute l'offrande alimentaire. Les documents archéologiques ne nous renseignent pas sur elle, mais elle a survécu à Martigny-les- Bains, où les jeunes mariés de l'année portaient un gâteau dans la fontaine(LEPAGE et CHARTON : Le département des Vosges 1845), et à Trondes où les malades portaient des pains à la fontaine de l'Evêque(LEPAGE : Le département de la Meurthe 1943). Les offrandes de fleurs et de guirlandes de feuillages étaient également en usage. Nous en trouvons trace en particulier à Domremy, où Jeanne d'Arc et ses compagnes suspendaient des couronnes de verdure au Beau may, près de la fontaine des Groseilliers. Si le dépôt d'objets aussi périssables que des aliments ou des fleurs ne nous sont connus que par les survivances, il n'en va pas de même des menus objets ordinairement métalliques que les dévots offraient à leur divinité. En premier lieu, viennent les monnaies. A Vaux-la-petite, la pratique a survécu, puisqu'on dépose de l'argent au pied d'une croix qui se dresse tout à côté de la Fontaine de St-Gengoult.

L'eau elle-même, était utilisée dans certaines pratiques, sinon cultuelles, du moins dévotes. Tout d'abord, on en buvait. II est très peu de sources où l'on ne signale cet usage, et il est certainement aussi ancien que le culte rendu à l'eau. On avait aussi recours aux ablutions : elles ont subsisté en plusieurs endroits. Très souvent, on se contentait d'appliquer sur l'organe malade un linge trempé dans l'eau sainte. Les survivances de cette pratique sont nombreuses. Au lac de la Maix, on se sert comme compresses des feuilles d'arbres tombées dans l'eau. Ces ablutions ont pour but d'obtenir la santé, chaque lieu de culte ayant sa spécialité : ici, c'est la guérison de la fièvre, là, celle des maux d'yeux, des ulcères, des plaies, des maladies d'enfants.

L'auteur n'en parle pas, mais il est vraisemblable que s'inscrit ici la spécificité de la fontaine des Trois Saints de Gondreville (cf. page 10, les écrits de Mrs Olry, Royer et Hachet.)

Enfin, il semble que les sources aient été autrefois très fréquentées par les femmes pour obtenir la fécondité. Celle de Gerbéviller l'est encore, et les coutumes signalées à Barisey-la-Côte et autres communes lorraines doivent être les dernières traces de cette croyance. Notons que l'eau bénite, dont la liturgie chrétienne fait usage, s'est vue parfois elle aussi attribuer une vertu contre la stérilité des femmes, témoin cette curieuse inscription placée au-dessus d'un bénitier, près de l'entrée principale de l'église de Pont-Saint-Vincent

Effect de l'eau bénite

l 'eface des esprits le péché véniel

le chasse les démons, l'aide à bonne prière,

A maladie, A stérile, ainsi, l'Eglise mère

Me bénissant, m 'a, faict riche des dons du ciel.

Les sources sacrées ont de tout temps donné lieu à des assemblées à date fixe. L'habitude en a subsisté dans le Christianisme. Nous relevons les pélerinages de Barisey-la-Côte (25 Mars), Bermont (lundi de pentecôte), Bussy (lundi de Pâques), Saint-Gibrien (7 mai), Sainte Sabine (29 août), Savigny (début du printemps), Viacelle, Vaux-la-Grande (troisième dimanche de carême). On peut remarquer que tous ces pélerinage, sauf un, ont lieu au printemps, c'est-à-dire au réveil de la nature et qu'il n'y a pas nécessairement relation entre ces dates et lei our de la fête du saint sous la protection duquel la source est actuellement placée, souvenir évident de réunions antérieures à la christianisation.

Ces assemblées donnaient lieu à des repas, à des danses, mais il est bien difficile d'y voir la survivance de repas et de danses rituelles. Par contre, le marché qui se tenait à Bermont lors du pélerinage annuel peut avoir une origine très ancienne et remonter à l'époque où la divinité de la source protégeait le trafic qui s'y faisait.

Mais ce ne sont pas seulement les vivants que rassemblait la source sacrée. On n'a pas été sans remarquer les nombreuses fontaines que l'archéologie ou le folklore nous montrent comme ayant été autrefois un centre de culte et auprès desquelles se trouvent de très anciens cimetières.

Il est bien difficile de donner des dates relatives à la durée du culte des eaux. Les témoins les plus courants sont les monnaies qui ont pu être identifiées. D'autre part, des textes relatifs à l'ensemble des Gaules indiquent nettement qu'aux Vlème et VIlème siècles, l'Église s'efforçait encore de détourner les fidèles de leurs vieilles pratiques païennes(VANCANDARD, l'idôlatrie en Gaule au Vlème et au Vllème siècles 1899).

Ce qui est certain, c'est que la survivance des ces vieilles croyances malgré les anathèmes de la christianisation, témoigne hautement du rôle important qu'elles ont joué dans le pays avant l'ère chrétienne, et du vif attachement que les populations leur avaient voué. C'est d'ailleurs contre ces très vieux cultes indigènes beaucoup plus que contre les cultes officiels de l'empire, que l'Église eut à lutter. Elle ne parvint même jamais à les faire disparaître entièrement ; elle essaya d'en changer l'esprit, sans presque rien modifier de leur forme, et ils ont survécu, en marge du véritable christianisme, à mi-chemin entre le culte des saints et les pratiques de basse superstition.

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